Ici et ailleurs

Est-ce légal ?

Si rien dans la loi française n’autorise ni n’interdit explicitement l’accouchement à domicile, celui-ci se trouve dans une situation paradoxale.

En effet, l’accouchement à domicile ne fait l’objet d’aucune législation spécifique. De ce fait, on peut considérer que selon l’article L. 1110-8 du Code de la santé publique, prescrivant que chaque patient est en droit de choisir librement son praticien, son établissement de santé et son mode de prise en charge, les femmes sont également libres d’accoucher où elles le souhaitent, y compris chez elles, entourée de la sage-femme de leur choix.

Cependant, l’article L. 1142-2 du Code de la santé publique prescrit l’obligation à tous les professionnels de santé de souscrire à une assurance responsabilité civile afin de couvrir leur pratique professionnelle. Le tarif annuel fixé pour la pratique des accouchements à domicile étant prohibitif, la majorité des sages-femmes AAD n’est pas en mesure de se couvrir, ce qui les place dans une situation d’illégalité et de vulnérabilité.

Ainsi, on peut considérer que l’accouchement à domicile est possible de jure mais que sa pratique est restreinte de facto du fait de l’impossibilité pour les sages-femmes de satisfaire à leur obligation professionnelle de s’assurer.

Le CDAAD se positionne donc en faveur de la création d’une assurance RCP pour la pratique des accouchements à domicile pour les sages-femmes, pierre angulaire de la liberté de choix pour les usager.e.s comme les professionnel.le.s.

Principales difficultés rencontrées

Considérant la situation, les principales difficultés que rencontrent les futurs parents relèvent de deux ordres :

  • Difficulté à trouver une sage-femme AAD : L’impossibilité de s’assurer dissuade a priori de nombreuses sages-femmes d’accompagner les parents dans leur AAD. Les risques de poursuites juridiques de la part des usagers et des instances de représentations professionnelles (syndicats, conseils de l’ordre) sont réels et ont contraint un certain nombre de professionnel.le.s à cesser leur activité malgré la demande croissante d’accouchements plus intimes et physiologiques.

Ce phénomène provoque une cascade de conséquences : augmentation de la pression et de la charge de travail sur les sages-femmes AAD restantes, diminution du corporatisme et du soutien intraprofessionnel, épuisement, etc.

Si vous rencontrez des difficultés à trouver une sage-femme AAD, vous pouvez contacter le CDAAD, l’APAAD ou les associations de périnatalité autour de chez vous. Consultez notre page Préparer son AAD [lien].s

  • Pressions du corps médical sur les futurs parents : De nombreux parents rapportent la difficulté de mener un dialogue avec les professionnels médicaux lorsqu’ils évoquent leur projet d’AAD. Culpabilisation, informations erronées, refus de prise en charge témoignent des idées reçues sur l’AAD et les risques liés aux accouchements de manière générale.

Si vous vous trouvez face à un professionnel hostile à votre projet au cours du suivi de votre grossesse, nous vous encourageons à en changer. Vous pouvez consulter la carte de l’Apaad, le site Gyn&Co qui répertorie les professionnel.le.s de santé non jugeant.e.s. Vous pouvez sonder vos proches afin de trouver une personne qui soit en mesure de respecter vos choix.

Relations avec les maternités

La situation est variable suivant les établissements de santé. Certaines maternités acceptent très bien les projets d’AAD. Certaines peuvent au contraire se montrer réticentes voire hostiles envers les parents faisant part de leur projet.

L’inscription à la maternité : une sécurité supplémentaire

Il est recommandé et souvent demandé par les sages-femmes AAD aux futurs parents de constituer un dossier médical dans un établissement de santé au cas où un transfert deviendrait nécessaire au cours du travail. L’existence d’un dossier retraçant le parcours médical de la patiente permet d’accélérer et de faciliter la prise en charge.

Au moment de l’inscription, rien ne vous contraint à détailler les modalités de naissance que vous souhaitez pour vous et votre enfant. Cet élément n’est pas indispensable à une bonne prise en charge ; vous pouvez donc simplement vous inscrire à la maternité.

S’il est important pour vous que votre projet d’AAD soit connu de l’équipe, vous pouvez faire face à des réactions plus ou moins désapprobatrices. Nous vous conseillons de maintenir une qualité de dialogue qui n’entache pas la relation de soin afin que vous n’en pâtissiez pas.

En cas de refus de votre dossier par l’hôpital en raison de votre projet d’AAD, plusieurs options sont envisageables :

  • Selon votre lieu de résidence, trouver un autre établissement de santé.
  • Saisir la cellule de médiation de l’établissement.

Selon la loi, un médecin peut refuser ses soins à un patient pour des raisons personnelles ou professionnelles (voir l’article R4127-47 du Code la santé publique). Toutefois, le médecin a le devoir d’en informer le patient et de transmettre les informations médicales le concernant à un confrère afin d’assurer la continuité des soins. Ce droit ne s’applique toutefois pas dans des situations d’urgence.

Ainsi, si une maternité refuse d’enregistrer votre dossier, vous devez en être informé.e.s et redirigé.e.s.

Si, lors de l’accouchement, le travail nécessite un transfert d‘urgence vers une maternité, celle-ci doit vous accueillir même si elle n’a pas souhaité prendre en charge votre dossier. Le SAMU vous conduit vers l’établissement de soins le plus proche.

Vous pouvez consulter la Charte de la personne hospitalisée publiée par le Ministère de la Santé et des Solidarités pour connaître vos droits.

Et ailleurs ?

De nos jours, la situation de l’AAD à travers le monde est hautement hétérogène : il peut être subi, faute d’accès à une maternité, consciemment choisi et plus ou moins intégré aux systèmes de santé locaux. Afin d’offrir un aperçu de la situation, une étude états-unienne de 2018 s’est essayée à développer des critères de mesure de l’intégration de l’AAD à l’offre de soins de onze pays à fort niveau de revenu. Elle relève que si certains font le choix d’une véritable promotion de l’AAD, d’autres le restreignent sans disconvenir du fait que le choix appartient in fine à la femme. Voici quelques exemples issus de cette étude :

Aux Pays-Bas

L’AAD bénéficie d’une longue tradition aux Pays-Bas : dans les années 60, 75% des femmes accouchaient à domicile. Cette proportion s’est fortement réduite et n’avoisinait plus que 16% en 2010… Ce chiffre est toutefois de loin le plus élevé parmi les pays à fort niveau de revenu.

L’AAD est très bien intégré au système de santé néerlandais : les sages-femmes libérales y sont plus nombreuses et disposent d’une plus grande autonomie. La coopération avec le système hospitalier est bien organisée et la densité d’hôpitaux offre des possibilités de transferts rapides.

Au Royaume-Uni

Depuis 1993, le programme Changing Childbirth développe les conditions nécessaires au choix de leur lieu d’accouchement par les femmes. Les sages-femmes sont libérales ou territoriales, parfois salariées. Leur assurance peut-être prise en charge par elles-mêmes, leur employeur ou les collectivités mais le Royal College Of Midwives n’impose d’assurance pour exercer, afin d’éviter toute discrimination financière.

En 2010, 3% des accouchements britanniques ont eu lieu à domicile et les indicateurs tendent à démontrer que ce chiffre pourrait s’élever à 8 ou 10% si davantage de sages-femmes pratiquaient l’AAD.

En Allemagne

L’accouchement à domicile est possible en Allemagne, sous condition de grossesse physiologique. L’Allemagne a fait le choix de développer des maisons de naissance sur tout son territoire. Les femmes sont donc plutôt encouragées à accoucher dans ces structures.

En Belgique

L’accouchement à domicile est inscrit dans la loi belge. Il est possible mais minoritaire, ne représentant qu’1% des naissances belges. Les sages-femmes bénéficient d’une assurance pour leur pratique. Pour les parents, l’AAD est couvert par la Sécurité Sociale et les mutuelles. Toutefois, les sages-femmes AAD sont peu nombreuses et fort sollicitées. Il est possible de trouver une praticienne sur le site de l’Union professionnelle des sages-femmes belges.

En Suisse

Les sages-femmes libérales suisses sont autorisées à pratiquer l’accouchement à domicile. Celui-ci est intégré au système de santé grâce à un travail de maillage interdisciplinaire avec le réseau hospitalier. Il est pris en charge par le régime de Sécurité Sociale de base et peut être couvert par certaines mutuelles. Il est possible de trouver une praticienne sur le site de la Fédération suisse des sages-femmes, où l’accouchement à domicile fait partie des critères de recherche. D’après la Fédération, l’AAD représente 1% des naissances.

Au Québec

L’accouchement à domicile en présence d’une sage-femme est possible, organisé et réglementé au Québec depuis 2005. Il s’adresse aux femmes en bonne santé, dont la grossesse est physiologique, vivant à 30 minutes d’un hôpital et reliées au téléphone. Un règlement officiel encadre cette pratique pour les sages-femmes : Règlement sur les normes de pratique et les conditions d’exercice lors d’accouchements à domicile – Loi sur les sages-femmes (chapitre S-0.1, a. 5, 1er al., par. 2).