Témoignages en rédaction libre

Mardi 14 novembre : les contractions commencent le soir, comme avant-hier et la veille encore. Papa range le salon et l’entrée et les contractions continuent, à 10 min d’intervalle 

Mercredi 15 novembre : il est 4h50 du matin, hâte que papa se lève car elles deviennent difficilement gérables au lit. je dors entre chaque à moitié… j’ai froid puis coup de chaleur à chaque contractions

À 5h50, le réveil de papa sonne. il planque son tel sous la couverture pour pas me faire trop de lumière je lui dis c’est pas la peine je dors pas on va rejoindre Valérian et manger. de temps en temps je m’arrête pour des petites contractions que je gère mieux debout. Papa amène Valérian à la nounou et je reste là. Les contractions se sont calmées, même espacées… Un peu déçue, j’attends l’appel de papa pour lui dire finalement d’aller au travail. je dors d’une traite 37min c’est incroyable. en me levant ça reprend un peu mais doucement. Je ne sais pas si je dois garder espoir pour aujourd’hui ou pas.

Il est 10h. tout est calme dans la maison, et les contractions reviennent tout doucement.

le temps passe et elles se font plus régulières. j’installe ma petite zone pour les gérer : sur le tapis en mousse, un plaid, deux petits poufs carrés et le ballon de grossesse. je joue à ma 3DS entre chaque contractions. A un moment, je décide de prendre une douche bien chaude.

A midi, mon mari m’appelle. Il finit dans une heure mais je sens que j’aimerais qu’il revienne. Les contractions sont plus rapprochées, plus douloureuses et je veux manger avec lui. Il arrive avec un sandwich et me fait des pâtes aux lardons (il n’y avait plus les sandwichs que j’aime). Nous relançons notre rituel d’accouchement : regarder Cauchemar en cuisine ! x) Thierry m’a acheté une religieuse au chocolat, que je mange avec des dattes et une petite crêpe wahou.

J’écris à la sage femme qui me dis que c’est bien le début de l’accouchement, et d’oublier les urines de 24h (que je fais assidûment depuis 6h quand même !). Les contractions commencent à être plus dures. Étrangement elles sont irrégulières mais suivent une tendance nette : si elles sont rapprochées (entre 1 et 5min) alors elles seront moins fortes que si elles sont séparées par un intervalle long (ça pouvait aller jusqu’à 15min). Je me mets donc légèrement à redouter quand le calme s’installe…

14h30, nous décidons de sortir en ville, pour me faire un peu marcher. Nous prenons le tram et une dame lève un jeune homme pour que je m’assois. Les odeurs me dérangent. ça sent l’alcool et le parfum mélangé, beurk, vivement le grand air.

Nous sortons sur la place de l’homme de fer et allons au magasin de jeux de société. Thierry acheté TTMC2 ! en rentrant on pourra y jouer un peu. On a pas trop de jeux d’ambiance donc je suis contente. Nous rentrons tranquillement arrivés à la maison, je prends une deuxième douche. Nous goûtons ensuite des crêpes wahou et ouvrons le jeu de société pour faire une partie. Thierry arrive en premier sur la case N’hésite pas à gagner, mais n’arrive pas à donner la bonne réponse… je le rattrape et gagne !

Après ça, je décide de me reposer un peu dans la chambre. Mes contractions sont moins fortes et plus éloignées, je suis fatiguée. Mais je n’arrive évidemment pas à dormir. les contractions couchées sont les pires ! alors mon chéri appuie sa main dans mon dos. Je me mets aussi à déprimer. Je me dis que j’ai abandonné mon premier enfant (qui est gardé par l’ass mat) et me dis qu’il doit attendre notre retour toute la soirée, ça me mine tellement ! Comment pourrais-je avoir un 2e bébé alors que je ne peux même pas m’occuper du premier, je suis une mère égoïste. Mon chéri me rassure avec tout un tas d’arguments convaincants : que Valérian serait sûrement chamboulé peut être traumatisé s’il voit sa maman souffrir, peut être se dire qu’elle souffre à cause du bébé, qu’en plus on peut pas aller le voir pour ne pas le ramener ça lui ferait plus de mal… mais c’est tellement dur. Thierry me propose d’appeler l’ass mat pour entendre Valérian mais je ne veux plus de tel. Je veux plus appeler personne ce soir Finalement, Thierry doit aller au salon et je le suis. Il appelle la sage-femme qui lui dit que c’est toujours le pré-travail, elle prend de mes nouvelles… mais c’est pas pour de suite.

Nous allons commander une pizza et nous nous déplaçons ensemble à la pizzeria. C’était dur mais marcher la nuit avec mon mari c’était un peu magique, on ne sort plus aussi tard depuis qu’on a notre premier aucune contractions dans la pizzeria, ouf. 

Nous mangeons nos Pizza en regardant Nicky Larson. Ça faisait longtemps et on ne regarde qu’un seul épisode.

Les contractions font un mal de chien. C’est fou, même la main dans le bas du dos ça aide mais ça ne soulage pas. Aucune position ne soulage vraiment. Thierry écrit à la sage femme, qui dis que peut-être à force d’espérer, le travail ne se lance pas. Elle lui propose de me laisser gérer seule. Je ressens alors de la culpabilité et une peur de me retrouver seule… pas découragé pour autant, mon chéri décide de rester avec moi dans la pièce et de mettre des chansons (il commence par Prince, mon chanteur préféré qu’il n’aime pas et danse même). Je me mets à chanter avec lui. que je l’aime il ne m’a pas abandonné. Il compte juste les contractions, j’essaie de gérer seule la douleur sans ses points d’appui.

A un moment je décide d’aller aux toilettes, ça aide pour pousser et puis bon, je me vide légèrement de temps en temps… en me levant des toilettes, Oh ! la poche se fissure ou se brise, je ne saurais dire, un liquide chaud coule le long de ma cuisse… Thierry en informe la sage-femme et moi je file à la douche. Mes contractions deviennent alors bien plus violentes, je me tiens aux parois de la douche et je ressens le besoin de vocalises des « aaaaah » qui se font parfois chantonnants. Après en être sortie, ça ne s’arrête pas et Thierry refait les points de pression. A un moment il appelle la sage-femme et elle lui demande si elle viens ou pas, oui j’ai envie qu’elle vienne. Elle arrive donc, prends ma tension, le cœur du bébé est parfait… Thierry l’avertit pour le col, qui était pas trop trop ouvert pour Valérian et que ça pourrait me déprimer. De toute manière, elles sont trop rapprochées pour que j’ai envie qu’on examine mon col donc j’oublie vite. Je me rappelle avoir essayé de discuter un peu par moment en laissant sortir ce que j’avais en tête : « je déteste vraiment ça » ou « est-ce que tu as déjà accouché toi ? ça ne te fais pas peur quand tu vois les femmes souffrir comme ça ? » elle me répond avec un beau sourire « non parce qu’elles finissent toujours par réussir » et ça m’encourage. Je me rappelle aussi avoir exprimé mes peurs, en disant que j’avais peur qu’il ne sorte jamais. La même chose que pour mon premier A un moment, Laurène tente de m’aider avec le rebozo. Je ne sais pas si ça aide mais bon ça fait toujours aussi mal. Je demande l’arrêt au bout de 3 ou 4 contractions et Thierry reprend sa main. Laurène propose de placer Thierry derrière moi. Deux contractions plus tard, je sens que ça appuie, même qu’il descend… je lui dis et décide de partir aux toilettes. Laurène le retiendra et me laissera gérer seule. A partir de là je gère deux contractions et ma respiration s’emballe, je ne contrôle plus rien je n’ai pas la même respiration que pour Valérian ! je sens sa tête. ça y est, la fin approche. Surprise que Thierry et Laurène ne viennent pas, tant pis je vais y arriver (en vrai ils savaient et surveillaient de loin mais n’ont pas accouru dans la pièce et m’ont laissé de l’air). Je pousse un peu et place ma main à la limite de sa tête. je fais le tour de l’entrée avec mes doigts, bon c’est bien tendu j’espère ne pas déchirer mais je n’ai pas de contractions qui me guide.. je pousse fort deux fois, c’est efficace et la tête sort, puis le corps, je le rattrape et Laurène arrive pour m’aider à installer bébé sur moi dans les toilettes, c’est un véritable massacre il y a du sang partout Thierry amène la bassine et dis à Laurène de se méfier, que pour Valérian c’est sorti tout seul et vite après quelques minutes j’ai envie de me débarrasser du placenta, en vrai c’est gênant Pour le premier il est sorti tout seul juste après l’accouchement donc je ne l’avais pas vraiment senti aussi longtemps… je tente de pousser sans avoir de grands espoirs mais en fait il sort tout seul en 2 petites poussées pas très fortes. La sage femme était surprise, je crois qu’elle a dit que je suis incroyable

Bébé fera 3.4 kilos pour 53cm. Même poids que Valérian, mais plus grand ! Tour de crâne grand pour son âge, comme son frère. De mon côté, pas de déchirure, juste des petites griffures. J’ai pu donc assez rapidement me lever, totalement en forme comparé à ma première grossesse !

Je prends une douche sans tête qui tourne, après la tétée de bienvenue, on va se coucher tous les deux. Bébé dort super bien seul dans son cododo, incroyable j’étais prête à le prendre avec moi s’il voulait rester avec moi… mais ça m’a permis de dormir profondément sans peur pour mon bébé.

15h, la sage femme passe pour un contrôle. Les ailettes du nez battent un peu, il y a un petit blocage à la narine gauche et la saturation a l’air limite… par précaution, bébé ira à l’hôpital et y passera deux jours sous surveillance avant de revenir nous rejoindre.

Personnes présentes :

– Thierry mon mari

– Camille, ma doula

– Sage femme I. qui est devenue ma sage femme principale d’accouchement car ma sage femme est enceinte

– Sage femme S. qui m’a suivi tout au long de la grossesse. Comme elle est enceinte d’un mois d’écart avec moi, et qu’elle travaille en binôme, c’est I. qui sera là pour le plus gros de l’accouchement

Récit d’accouchement AAD pour un premier bébé

38 SA + 6. 3h du matin. Je me réveille sans trop savoir pourquoi ! Je sens une légère fuite, toute discrète, je pense à des pertes vaginales. Mais impossible de se rendormir. Je me dis bon, je vais aller aux toilettes ! Et là je sens que ça s’intensifie en cascade, j’ai sûrement rompu la poche des eaux. J’essaie de réveiller mon chéri en lui disant 3 fois que ça coule je vais jusqu’à la douche et laisse tout couler. Liquide transparent, inodore, un peu rosé par moment. La sage femme I. me dira que c’est le col qui travail et que c’est ok !

Je mets une culotte (ou plutôt disons une couche car perso je le sens comme ça .. ) pour fuite urinaire que j’avais acheté pour le post partum car ça ne fait que couler je pensais que ça s’arrêterait mais non, ça coulera d’ailleurs toute la journée. J’essaie de me rendormir, impossible, j’ai des contractions. Les premières de ma vie, comme des douleurs de règles qui viennent et repartent. Mon chéri est motivé et se décide à ranger le salon, sortir la piscine, passer l’aspirateur… Je préviens la sage femme I. qui me dis de m’occuper un max l’esprit en bougeant et faisant le ménage ! oups

Au bout de quelques heures, je décide de quand même bouger et d’aller à un magasin de jeux de société/manga, on avait déjà prévu la veille d’y aller (sans savoir dans quelles conditions on irait au final). Nous avançons très lentement. De temps en temps je supporte une contraction en marchant, de temps en temps je m’arrête pour laisser passer les plus fortes. Nous faisons 2 pauses assises pour que je puisse tenir debout, et je m’achète une bande dessinée ^^ nous passons à la mie câline acheter des sandwichs (flemme de cuisiner, cette sortie a pris bien trop de temps !)

A la maison nous mangeons en regardant cauchemar en cuisine. Au moins je rigole bien ! Grâce à un système de coussin d’allaitement, petit coussin aussi et ballon de grossesse, je gère les contractions. Mon mari filmera même un épisode de contractions à un moment où j’avais tenté une nouvelle position sur un tabouret face à une chaise de bar. C’est donc le chat qui s’est lové dans mon coussin d’allaitement . Mon chéri m’encourage et me masse le bas du dos à chaque contraction, ça m’aide ! Au bout d’un moment la télé est arrêtée pour passer à de la musique de fond (musiques de Zelda). Faisant face à de nombreux remix je ne cesse de lui dire de changer jusqu’à ce que je trouve une bonne musique de Twilight Princess (pour les connaisseurs) qui est non remixée et vraiment en mode détente. S’ensuivent d’autres du même style et d’opus différents, on a trouvé notre playlist ! 

Pendant ce temps là, la sage femme I. et notre doula, Camille, prennent des nouvelles de temps en temps. Vers 17h, les contractions deviennent plus fortes et il est difficile de me pencher pour aller sur le ballon. Elles durent quasiment 50 secondes chacunes. Ma sœur à qui je parles par messages panique et me dis d’appeler de suite la sage femme, que je dois être à 7 ou 8 (si seulement ça avait été vrai). J’ ai appris plus tard que le travail actif commence à ce moment-là. La sage femme I. me dis que si la douche n’aide pas à passer les contractions, que je peux effectivement m’aider de la piscine. Camille arrive, avec ses energy balls (boules de dattes/chocolat/poudre d’amande ). Elle aide Thierry à remplir la piscine et à me masser à chaque contraction. Ils finissent d’ailleurs par se relever aux thermos pour chauffer l’eau car le ballon est vide Thierry prépare mon petit autel avec ma Sainte Vierge, des bougies. Il avait accroché des images d’accouchement ou de positions au cours de l’après-midi après manger. Au bout d’un moment, des pensées désespérées m’envahissent. Je me pose des questions comme « est-ce que c’est possible d’échouer ? » et je pleure en silence. Camille et Thierry pensent que c’est la douleur sûrement, ils me massent. Je pose la question du bout des lèvres, ma doula me rassure gentiment. Mais au fond de moi, je n’attends que l’arrivée de la sage femme pour qu’elle me dise à combien je suis ouverte.

Je commence à ne plus en pouvoir. J’ai terriblement mal. Notre sage femme I. arrive vers 19h30, je suis à bout de forces. J’ai beaucoup de mal, même dans la piscine et elle me propose de changer de position (je suis quasi allongée sur le dos) mais je ne peux pas, pas de force et contractions rapprochées. I. examine mon col et m’estime à 5-6… elle a d’ailleurs dû l’examiner en 2 fois car j’ai eu une contraction pendant le toucher vaginal (dire que c’était le tout premier de ma vie !) A l’annonce de l’ouverture du col, je perds vraiment tout espoir, en plus on me dit que ça va monter crescendo. Je réclame qu’on appelle l’hôpital, que je finisse en césarienne je regretterai pas la cicatrice, après tout j’ai tenté mais c’est trop pour moi. Il y a des femmes qui le font mais moi c’est pas possible. Il faut se dire que j’ai dormi que 2h la veille le temps commençait à être bien long… Elles m’encouragent et I. refuse, car elle prend souvent le battement du cœur de bébé, il n’a aucun souci ! Elle me dit qu’on verra dans une heure comment ça évolue et qu’à ce moment-là on en reparlera. Alors j’attends que l’heure se passe… J’en peux plus. Je me dis que ça se terminera jamais, je vais peut-être mourir ici dans ma piscine ou après, sur le canapé. Que j’accoucherai sans doute demain, si je tiens encore. Je regarde la photo de mon meilleur ami qui me surnomme sa guerrière parfois, et je lui dis dans ma tête que je suis désolée, que j’abandonne que j’y arriverai pas. Entre temps la sage femme me vois galérer à changer de position dans la piscine, elle me propose donc de passer au canapé après une contraction. J’y arrive aidée et me voilà couchée sur le côté, toujours autant mal entre chaque contractions.

Ma sage femme principale, S. arrive vers 21h (elle n’a pas pu être la sage femme de mon accouchement depuis le début car elle est enceinte aussi). A partir de là, je vais déjà un peu mieux. Son sourire, sa douceur, et la force de la paume de ses mains sur le losange en bas du dos quand je gémis sur les dernières contractions m’aident vraiment. Je lui dis du bout des lèvres, tout doucement, qu’ils ne veulent pas appeler l’hôpital, que je suis à bout… Elle est super enthousiaste et me dit que c’est la désespérance, que même si je suis qu’à 5-6 pour son premier bébé elle est passée de 5 à 10 en une heure. Je ne sais pas si ça me rassure. Je me dis que personne ne m’écoutera, alors autant me concentrer sur ma respiration et subir… j’ai pas trop d’autres choix. Elles sont assises en tailleur au fond de la pièce, et discutent à voix basse. Ma doula et mon chéri ne me quittent pas, et me propose souvent de boire mais ma bouche est sèche et rien ne l’apaise donc je refuse plusieurs fois, à un moment je les gronde presque. Pauvre Camille !

A un moment, les sages femmes me proposent de passer aux toilettes. Je comprends immédiatement que ça pourrait aider, effectivement je n’aurai aucune retenue de pousser au-dessus des toilettes. J’essaie tant bien que mal. A ce moment-là, je subis quelques contractions, tout en respirant comme il faut. Je me rappelle avoir eu besoin de quelque chose (sûrement de l’eau ?) mais je refusais que Thierry me quitte pour aller le chercher (il était seul avec moi) donc il a appelé Camille à la rescousse. Au bout d’un moment la sensation change du tout au tout et me coupe le souffle, je ne peux plus souffler comme avant ça doit venir de l’intérieur et c’est un cri de la gorge qui sort ! Nous comprenons tous que c’est bébé qui arrive. I. et S. m’encouragent. Je réussi à me lever des toilettes pour qu’elles puissent mieux observer. C’est le moment où Thierry va souffrir avec moi, me soutenant derrière pour que je m’appuie sur ses bras. Déjà qu’en temps normal il ne peut pas me porter, là il met toutes ses forces et a vraiment très mal. Moi je m’accroche à ses bras et je me laisse prendre le plus bas possible pour me concentrer sur la poussée. La tête du bébé apparaît ! On me propose de la toucher si je veux. Je sens effectivement quelque chose, ça m’encourage (mais après recul je pense que j’ai sûrement touché mes lèvres qui sont hyper gonflées).

  1. me demande si je veux aller au salon maintenant ou si on attend que le bébé soit sorti mais la délivrance et mise au sein ne pourra pas se faire aux toilettes. Je réfléchis et me dis que ça pourrait valoir le coup de bouger pour mon pauvre chéri, il aurait le droit au canapé. Lui ne veut pas (je pense qu’il veut en finir) mais on y va quand même. Je marche en canard, j’ai vraiment une gêne entre les jambes ! Petit à petit j’arrive au canapé, et Thierry se met derrière moi, toujours pour me soutenir. Camille sera sur le côté pour me caresser le bras et a essayé le brumisateur pour me rafraîchir. Je pousse tant que je peux, I. me fait toujours des monitorings pour vérifier que bébé va bien. Il me semble qu’aux toilettes elles avaient fait chacune leur pari sur l’heure de naissance (on approchait des 22h22 qui auraient couronné le tout en plus de la date !) mais qu’au final à un moment on a dit que c’était trop tard. J’ai demandé combien de temps il allait arriver, on m’a répondu « quand bébé voudra bien ». Bon, aucune idée du coup, mais je donne mon maximum. Quand les contractions arrivent elles ne sont pas comme celles d’avant, et je pousse un maximum, en 3 coups. En fait je pousse à fond pour la première fois puis une fois que j’ai plus de souffle je respire mais je sens que j’ai encore mal et envie d’accompagner cette douleur en poussant, et ça à deux reprises. 3 par 3, dans le salon, on me dit que bébé est à moitié du chemin. Je déprime un tout petit peu car c’est ce qu’on m’a dit aussi dans la salle de bain, et je le fais remarquer aux sage-femmes qui me disent avec un beau sourire que c’est un premier bébé et qu’il prend son temps mais je recule pas. A un moment, elles ne peuvent plus prendre son pouls, bébé est trop engagé. Je me rends compte qu’il est bientôt là et qu’elles me font confiance à ce moment-là, ça me rassure et je continue. Et au bout d’un petit temps, bébé sort ! Je sens sa tête, puis le corps arrive très vite par la suite quasiment en glissant. C’est une sensation incroyable. I. tiens bébé tandis que Camille essaie de défaire le paréo qui me sers de soutien gorge afin de le poser sur moi. Je vois mon bébé, à côté, qui pleure beaucoup. J’arrive pas à y croire il est là ! Une ou deux minutes après, alors que bébé n’a même pas tété et que je le regarde toujours comme la 8e merveille du monde, le placenta sort tout seul lui aussi, les sage-femmes sont étonnées ! Elles me demandent si je veux un bébé lotus, je leur dis que non, je veux juste que le cordon ait fini de battre, elles me disent que c’est le cas. Effectivement il est bien blanc ! 

Durant toute ma grossesse, Thierry a toujours dit qu’il ne voulait pas le couper, que ça le dégoûtait sûrement et je l’ai respecté, mais là, surprise, alors que S. se propose de le faire (elle doit s’en rappeler) Thierry dit « non non, je vais le faire » et à ma plus grande surprise, il réalise le premier acte fait à bébé

Juste après, on m’accompagne dans le canapé pour m’allonger avec bébé. Je suis tellement épuisée et ça se voit, je m’endors à moitié. A part la vulve qui brûle de ouf, plus de douleurs d’accouchement, je revis, je peux ressoufler. Bébé est couché contre moi en peau à peau. Ils l’installent pour la tétée et il reste bien longtemps comme ça, quasiment une heure et demie ? Pendant ce temps là les sages femmes font les papiers. Je me rends compte que bébé a une force incroyable quand il tête c’est ouf xD on essaie de le retirer doucement entre deux tétés pour ses examens mais il se raccroche très fermement. Finalement on réussi, et c’est un beau bébé de 51 cm, qui pèse 3.10 kilos. On m’examine, j’ai deux déchirures mais des tissus (les lèvres je crois), pas des muscles et périnée intact (les sages femmes m’avaient appliqué de l’huile tout autours pendant la poussée pour le protéger). Donc pas de points de suture ! On m’apporte de la glace pour soulager la sensation. Puis quelques temps après, alors que bébé m’a été rendu on me propose d’aller me doucher et d’essayer de faire pipi. Bébé est alors donné à papa qui réalise son premier peau à peau avec lui.

Je vais sous la douche, toujours une sensation de brûlure et de gêne surtout entre les jambes on me donne un siège, et j’arrive à me laver complètement (ce qui sera inutile car au final je vais me retâcher juste après). I. me demande si j’ai la tête qui tourne deux fois je lui dis que non. Elle va chercher mon pyjama (ou plutôt, le tee-shirt XXL de mon meilleur ami qui me sert de pyjama, merci à toi pour m’avoir permis de dormir à l’aise malgré mon gros ventre), et elle récupère une culotte pour fuite urinaire. A la sortie de la douche ma tête tourne effectivement… elle me dit que la douche a duré trop longtemps. Je réussi à me sortir de là et à mettre cette foutue culotte (en plus j’étais pas tellement séchée on a galéré toutes les deux) puis on m’accompagne au canapé ou cette fois-ci je veux rester assise. On m’apporte les energy balls de Camille et un Candy Yop au chocolat, je me sens mieux. Ma tension est reprise deux fois, mon utérus est vérifié deux fois depuis le ventre pour vérifier que tout va bien niveau souplesse et quantité de sang… Le travail est terminé. S. s’en va, après avoir pris un Spasfon car toutes ces émotions lui ont déclenché quelques contractions mais ce n’est pas le moment pour elle !

  1. m’aide à m’installer au lit avec bébé pour pouvoir dormir puis s’en va. Pendant ma douche il me semble que Camille a fait la vaisselle (un amour !). Je sais qu’ils se sont attelés à défaire la piscine mais je ne sais plus quand exactement. Puis Camille s’en va à son tour… après m’avoir demandé comment je me sens et m’avoir félicité avec I. disant que j’étais une lionne

Personnellement j’ai plutôt honte de ma phase de désespérance. Je ne me suis pas sentie puissante en moi même, mais j’ai plutôt senti comment mon corps a réalisé l’incroyable et je lui en suis infiniment reconnaissante. Je suis aussi très heureuse d’avoir été aussi bien entourée, et surtout de mon mari qui m’a accompagné depuis le début, a rendu la journée si belle, a respecté mes choix même quand j’étais en désespérance il a bien compris qu’il ne fallait pas céder. Il ne m’a pas abandonné dans la salle de bain, et je me suis senti tellement plus proche de lui, pour moi on a vraiment donné naissance ensemble. J’aurais été à l’hôpital, ça ne se serait pas terminé comme ça… Au final je n’ai pas de regrets, bien que j’ai cru que j’allais mourir sûrement car j’ai bien été consciente et je ne suis pas entrée dans une bulle, à tous les moments je pouvais répondre de moi même. C’est donc pour moi le projet le plus fou de ma vie, l’épreuve la plus difficile mais le plus beau résultat que j’ai pu obtenir et je suis infiniment reconnaissante envers S. qui a cru en moi et a décidé de m’accompagner jusqu’au bout malgré sa grossesse. Aujourd’hui après avoir passé ma première journée avec bébé, je me sens reconnaissante et heureuse !

Enfin je prends le temps de vous raconter le récit de ce merveilleux moment, 18 juillet 2023.

Je m’appelle Katia, j’ai 33 ans. J’ai accouché de mon deuxième enfant en plein milieu du salon de ma maison, dans un petit village du 77, le 19 juillet 2023 à 0h50 .

Mes peurs et ma fatigue étaient là, ma sage-femme partait en vacances le 26 juillet et mon terme ÉTAIT le 26 juillet .

Nous avons décidé de nous tourner vers l’accouchement à domicile deux mois et demi après que je sois tombée enceinte de notre deuxième enfant .

Pour ma première, j’avais eu un parcours de grossesse et d’accouchement, que je qualifierais de « classique » :

  • Suivi gynécologique avec TV systématique
  • Préparation à l’accouchement sans partage avec d’autre parent avec une sage-femme ou ça n’avais pas spécialement matché (époque post-Covid)
  • Fameux test du diabète
  • Inscription dans une maternité privée
  • Pas de projet de naissance
  • Péridurale
  • Perte de poids de bébé sans explication 
  • Shot de gallia (nourette) fortement recommandé par la maternité
  • Séjour long (5j) après la naissance sans pathologie particulière
  • Difficulté d’allaitement
  • Fêtes de Noël avec tout le monde à la maison (bébé né le 17 décembre)

BREF LA LISTE EST LONGUE….

J’ai cheminé mon post-partum seule en écoutant énormément de podcasts, en lisant beaucoup et en parlant autour de moi des difficultés que j’avais rencontré (mes sœurs m’ont beaucoup aidé, j’étais la dernière des trois à voir un bébé), j’avais l’impression que ce n’était que moi qui ne m’en sortirait pas.

Et puis mon mari et moi avons décidé d’avoir des enfants plutôt rapprochés mais pas non plus autant que la réalité (18 mois). Je suis tombé enceinte on va dire 6 mois plus tôt que prévu mais tant pis ça ne changerait pas grand chose ! 

Baby John a été dans notre chambre jusqu’à ses 5 mois, avec allaitement exclusif et j’ai repris le travail à 5 mois et demi grâce à 1 congé pathologique, 2 arrêts et des congés cumulés.

Mon maternage n’a rien à voir avec celui de ma petite fille malgré tout l’amour que je lui ai donné avec  les connaissances que j’avais au moment venu.

Et j’en suis fière et heureuse !!!!

Ce 18 juillet, la femme de ménage est passée, mon mari a passé la tondeuse dans le jardin et moi le Rotofile. 

L’après-midi, nous nous sommes rafraîchis dans la petite  piscine et nous avons profité de nos derniers moments à deux. Ma petite fille était chez l’assistante maternelle. 

Il est 17 heures, je sens ENFIN mes premières contractions. Elles sont pour le moment plutôt légères, pas comme celle de mon premier accouchement. Je dis à mon mari d’aller chercher ma fille chez l’assistante maternelle, histoire que je me concentre un peu sur moi-même pour être sûre que ce n’est pas une fausse alerte. 

Il est 18h30, j’ai vraiment des contractions dans les cuisses comme pour mon premier accouchement, c’est parti…

Nous prenons notre dernier repas à trois, je demande à mon mari d’aller coucher ma fille, mais elle refuse. 

Elle veut que ce soit moi. Je lui demande alors de faire un gros dodo et peut-être demain petit frère sera parmi nous et elle pourra lui faire un premier bisou avant d’aller chez nounou. Nous avons de la chance depuis qu’elle a dix mois elle est très coopérative pour le coucher, il lui faut juste des gros câlins.

(Suite du récit écrit 2 mois après le temps me manque mais quand je relis le texte je reste fidèle à moi même ouf mes larmes d’émotion coule moins) 

Donc…

Ma grande fille couchée, nous nous affairons à préparer la maison : un matelas en plein milieu du salon, la piscine (déjà pré-gonflée dans le garage) dans la salle à manger, les fauteuils et canapé bâchés, la table de la SF et de mon mari prête avec le nécessaire pour le bon déroulement, les lumières tamisées. J’appelle ma SF pour lui faire un topo, elle me dit que dès que ça devient compliqué, mon mari l’appellera et je monterai au bain (elle avait 1H pour venir). Ma future doula diplômée et photographe est appelée vers 19h. On est OK.

Nous nous posons devant Harry Potter et la coupe de feu en mode chill avec mon mari, les contractions sont supportables. Il devait être à peu prêt 20h.

Quelque temps après, je perds la notion du temps. Je laisse Harry Potter en fond pour mon mari, mais je mets mes écouteurs en mode obstructeur de bruit avec la playlist que j’avais prévu et je laisse défiler. 

Je suis à quatre pattes avec le ballon, des fois sur le matelas et mon meilleur ami est mon peigne que j’ai broyé entre mes mains mais qui a tenu le coup.  

Je vocalise pas mal (j’avais fait du chant prénatal), donc je fais des bruits rauques.

Je ne peux plus travailler seule, j’ai besoin que mon mari me frictionne les cuisses à chaque contraction. Et je bouge sans arrêt : chaise, ballon, matelas, mon mari, …

Il me demande plusieurs fois s’il doit appeler ma SF, je lui répond que non, et ce pendant quelque heures.

J’ai mal, je lui demande le bain chaud et d’appeler la SF, elle décolle de chez elle. Nous allons à la salle de bains qui est à l’étage. 

Encore à quatre pattes dans le bain, la salle de bains devient vite un hammam.

Je vocalise toujours, j’ai mal, j’ai l’impression de le sentir, je lui dis de descendre dans mon bassin d’avancer, que je suis là et qu’on va y arriver ensemble et j’ai l’impression de le sentir descendre. Mais là…. Phase de désespérance totale.

Je me demande pourquoi j’ai fait ça, quelle connerie de vouloir accoucher à la maison, une bonne péri m’aurait fait du bien, je pleure, j’aurais du écouter ma mère et ne pas vouloir faire comme ma sœur. 

Prise de bouffées de chaleur, je demande à mon mari de m’aider à sortir du bain et de m’aider à me sécher. 

Je suis prise d’une envie de poussée, d’aller aux toilettes à la selle. Je me mets à cheval sur la cuvette des toilettes face à moi. Première phase de poussée, j’ai mal, je pense que c’est le bouchon muqueux qui à sauté.

Je suis à l’étage, je fais trop de bruit, il FAUT que je descende dans le salon. 

Comment j’y suis arrivé, je ne sais plus trop. J’ai juste eu le temps de me retrouver devant la porte du salon, avant une énorme contraction.  

Je me mets accroupie devant le matelas que nous avions installé. Mon mari a dû descendre entre-temps. Je me mets nue. 

2ème poussée, la poche des eaux a explosé. 

3ème poussée, la tête, ça pique ! 

4ème poussée, bébé vient de sortir.

Mon mari le récupère. Je suis tétanisée, impossible de bouger. Je lui parle, je lui dis que je suis là, que je vais pas tarder à le récupérer, que papa est là le temps que je reprenne possession de mon corps. Que faire ? Rien… mon mari et la doula m’aident à m’asseoir, encore reliée via le placenta, je récupère mon bébé en peau à peau : couverture et bonnet. 

Mon mari appelle notre sage-femme, hallucinée, elle est encore à 20 min de route. Pour moi tout va bien, j’ai mon bébé dans les bras. 

Mon mari a pour mission de me mettre des alèses sous les fesses et de regarder la quantité de sang perdu. Moi, je suis shootée à l’ocytocine, tout va bien. Il reste avec la sage-femme au téléphone pendant les 20 min à contrôler.

Je dois me mettre a genoux… pas encore envie, je ne suis pas dedans ! J’ai mes premières tranchées, une horreur : P***** c’est pas fini ? 

Je ne m’en souviens plus, mais Marie ma doula photographe est là, je ne m’en suis pas rendu compte. Elle prendra les plus beaux premiers clichés de mon fils.

Ma sage-femme arrive. Heureuse je me redresse machinalement, je me met a genoux, je pleure de bonheur de la voir et de lui présenter notre fils. 

Toutes une tonnes d’émotions se mélangent, j’en rigole… je viens de laisser tomber mon placenta !

Mon mari le met dans le saladier prévu à cet effet.

Ils m’aident tous les deux à m’installer sur le matelas avec bébé.

Quelque temps plus tard mon fils prend sa première tétée, pendant que ma sage-femme vérifie le placenta. Tout va bien. 

Nous effectuons un clampage très tardif (franchement je ne sais plus combien de temps après mais on était pas pressé) et une vérification standard de bébé. Première couche pour bébé. C’est l’heure du peau à peau de papa, d’un passage aux toilettes et d’une bonne douche pour maman. Puis direction le lit pour maman et bébé. 

Dodo vers 4h du matin,… et ma grande dort à poings fermés ! 

J’ai très peu dormi jusqu’à ce que ma grande aille chez son assistante maternelle, trop occupé à regarder mon fils. 

Le matin affamée… bébé au sein… je descends dans mon fauteuil, je me relaxe avec une couverture, un coussin d’allaitement et le petit déjeuner. Nous avons commencé notre vie à quatre. 

©Katia Razgallah

Mercredi 22 mai 2024

18h

Quelques contractions se font sentir par moment, nous décidons d’emmener Marie chez mes beaux parents, en pensant que le travail pouvait commencer cette nuit. 

20h

Les contractions sont toujours irrégulières, mais je sais que c’est un début de travail. 

21h

Papa prépare des bougies, fait une bonne flambée… essaye de faire que je me sente à l’aise pour sécréter de l’ocytocine ! On y croit !

On installe le matelas devant le poêle pour y dormir en attendant le début du vrai travail. 

22h

Les contractions sont toujours très espacées, on décide d’aller se coucher dans notre lit… rien ne sert de s’affoler si on peut dormir encore un peu… !

Jeudi 23 mai 2024

Les contractions sont toujours présentes tout au long de la journée, toujours espacées et de manière irrégulières. 

C’est la pleine lune… est-ce que le petit Marceau souhaite en profiter pour pointer le bout de son nez ? 

Les charpentiers attaquent le chantier de la toiture, et déposent toutes les tuiles du bas de la toiture côté terrasse sud. Un sacré chantier et du bruit toute la journée ! 

Le soir, nous apprenons que nous devrons encore sortir des économies pour refaire l’isolation, ce que nous n’avions pas prévu…

L’heure n’est pas à la sécrétion d’ocytocine, mais plutôt aux calculs de budget travaux … 

Les contractions continuent de temps en temps malgré tout. 

23h – Une contraction plus forte que les autres me réveille, et m’oblige à me concentrer sur ma respiration. 

Vendredi 24 mai 2024

2h – Une nouvelle contraction me réveille 

3h20 – Nous sommes tous les deux réveillés avec Papa. La pleine lune de la veille joue peut-être sur notre sommeil. Nous en profitons pour discuter de tout et de rien, dans les bras l’un de l’autre. 

3h40 – Nouvelle contraction

Puis 4h, 4h10, 4h20, 4h33… ok elles commencent à devenir régulières. 

On décide de rallumer le poêle à bois. Je me pose sur le ballon juste devant et regarde Papa préparer les affaires : le kit pour la sage-femme près de la salle à manger, le sac de maternité près de la porte fenêtre en cas de transfert à la maternité, le matelas par terre, le drap, la bâche… puis il gonfle la piscine. 

Entre deux contractions, on discute, on papote. 

5h42 – Papa appelle la sage-femme pour la prévenir que le travail a commencé, mais que c’est supportable. Elle nous rappelle dans 1h pour faire le point. 

Les contractions continuent, et s’intensifient progressivement. Certaines sont parfois plus longues que d’autres. 

J’alterne différentes positions : assise sur le ballon une main sur le rebord de la piscine, debout appuyée sur la cheminée, debout près du canapé… ou parfois à quatre pattes appuyée sur le ballon, Papa me massant le dos. 

7h03 – La sage femme nous rappelle pour prendre des nouvelles. Elle propose de venir vers 8h-8h30 après avoir déposé sa fille à la crèche. 

Les contractions sont toujours toutes les 5-10 minutes, et ont tendance à s’allonger parfois. 

Je mets de la musique, et me projette pleinement dans cet accouchement à la maison. 

Je pense à ma fille, et à la rencontre avec son petit frère. Je pense à cette dernière grossesse qui s’apprête à s’arrêter. Les larmes coulent sur mes joues, et je me balance au rythme de la mélodie. J’ ancre en moi ce doux moment que je suis en train de vivre. 

Papa en profite pour appeler les charpentiers pour leur demander de ne pas venir aujourd’hui. Malheureusement ils sont obligés de venir et promettent d’essayer de faire le moins de bruit possible… Après réflexion, nous décidons de mettre des bouchons d’oreilles qui me permettront de bien atténuer les bruits tout en continuant de profiter de la musique. 

8h30 – La sage-femme arrive, et fait un monito. Elle propose ensuite de m’examiner le col si je le souhaite, ce qui nous confirme que le travail a bien commencé. Elle nous laisse continuer tranquillement de notre côté, et se tient à disponible si j’en ressens le besoin. 

Papa envoie un SMS à mes beaux-parents pour leur annoncer que la rencontre approche, et qu’ils peuvent donner le sac que j’avais préparé à ma fille aînée. 

9h45 – Une contraction me pousse à demander la bassine pour vomir. La sage-femme revient monitorer le bébé, pour qui tout va bien. 

10h – On décide de commencer à remplir la piscine. Les contractions sont désormais assez intenses. 

11h00 – Je rentre dans la piscine, les contractions sont très intenses, et commencent à devenir de plus en plus longues. Je tiens ma respiration avec de longs souffles. Je sens mon bassin, mes reins et mon utérus de manière tellement forte que j’ai parfois des hauts le cœur et de nouveau des envies de vomir. 

Je suis assise, une main agrippée à la poignée, l’autre agrippée à Papa, qui fait comme moi, et serre très fort tout le long de la contraction. Puis nous desserrons nos mains entre chaque. Il souffle avec moi, pour me guider. Je me concentre sur ses mains qui se serrent et son souffle sur mes bras. 

11h30 – La sensation des contractions est très forte, tellement forte que je trouve le temps long. Je demande à appeler la sage-femme pour qu’elle m’examine à nouveau, espérant voir dans ses yeux que bébé est bientôt là. « C’est super Mélanie, ce que tu fais, ça avance très bien ». 

12h – J’ai du mal à gérer la douleur. Ces vagues qui me frappent de plein fouet, sont très longues parfois. J’ai envie de crier. Je me retiens, je privilégie de souffler pour accompagner bébé. Je me répète ces quelques phrases « Une contraction après l’autre », « Super champion, tu fais ça comme un chef », « Ensemble, bientôt dans mes bras », « Je suis forte »… 

12h30 – Je sens mon bassin qui s’ouvre, et que la tête appuie sur le rectum. J’essaie de toucher, de sentir… je suis perdue. Je ne sens rien. Pourtant, il faut qu’il arrive, c’est beaucoup trop intense maintenant… 

Je pousse désormais des cris. Mais je veux être sûre qu’il n’est pas trop tôt pour pousser. 

Je demande dans un râle à la sage-femme si c’est le bon moment. Elle me répond qu’il faut que je me fasse confiance, si je sens la tête. 

Je me mets à genoux, j’essaie de toucher, je ne sens qu’une sorte de muqueuse, mais j’en suis sûre il faut que ce soit la tête. Après une contraction, puis deux peut-être… la tête est désormais dans ce cercle de feu, entre intérieur et extérieur. Elle est encore dans sa poche. 

« La tête est là ! », je crie. 

Je pousse à la contraction suivante en l’accompagnant de cris rauques.

La tête sort. Je la tiens dans ma main, toujours dans sa poche. 

Le moment est très intense. Je tremble de tout mon corps. A la prochaine contraction, je pousse légèrement en la retenant avec ma main. 

12h38 – En un souffle, le petit Marceau finit son voyage. Son corps tout entier sort, et je le hisse au-dessus de l’eau contre moi.

« Coucou champion », lui dis-je à voix basse encore toute tremblante. 

Je recule pour m’asseoir et reprendre mes esprits… mon mari est derrière moi, et nous prend dans ses bras. 

Je n’arrive pas à réaliser… J’ai accouché à la maison, dans mon salon. Et j’ai ce tout petit bébé contre moi, enveloppé dans sa serviette qui nous regarde, tout calme… comme s’il savait parfaitement où il se trouvait.

Sage-femmes : F.D et E.C – département 24


AVANT LA NAISSANCE

Par cette lettre, je tenais à faire part de ma situation, de mon histoire et de mon ressenti sur ce qui me semble une injustice, un droit des femmes non respecté.

Je m’appelle L., j’ai 30 ans, je suis en pleine possession de mes capacités mentales et physiques. J’ai un petit garçon de bientôt 4 ans qui est né à l’hôpital privé de V. en 2020. J’ai eu une grossesse parfaite, très bonne santé côté maman et bébé, et j’ai accouché d’un petit garçon de 4,5 kg sans problème aucun. Je suis actuellement enceinte de mon deuxième enfant et cette grossesse se passe aussi bien que la première.

J’ai une envie, un besoin viscéral de faire de cette grossesse et de mon second accouchement quelque chose de très naturel, doux et puissant.

Mon premier accouchement s’est bien passé en milieu hospitalier, mais j’ai eu l’impression de ne pas le vivre pleinement, de ne pas être dans l’action, et que ce sont les personnes soignantes qui m’ont accouché. Moi, je veux donner la vie. Je veux ressentir cette puissance qu’on a en nous, nous, les femmes, cet instinct, cette capacité d’enfantement qu’on nous retire en milieu hospitalier.

C’est mon choix, j’en ai le droit, mais je veux le faire correctement.

J’ai donc trouvé une sage-femme, pour m’accompagner dans cette démarche, en toute sécurité.

Elle m’explique les risques, les dangers, pour moi ainsi que pour mon bébé.

Je souhaite en parallèle continuer mon suivi de grossesse auprès de ma gynécologue de l’HPDB. Je lui expose dès la première consultation mon projet. Je souhaite être transparente et sincère. Je sais que l’accouchement à domicile en France est plutôt mal vu par le monde médical.

Elle m’expose aussi les risques, me confie qu’elle ne pourra pas me recommander de faire un accouchement à domicile. De par sa formation médicale et son positionnement sur le zéro risque. Elle accepte cependant de poursuivre mon suivi, car elle n’est pas dans le jugement, elle n’a pas pour prétention de savoir ce qui sera le mieux pour moi et ne veut donc pas m’empêcher de prendre cette décision qui lui semble personnelle. Elle me confirme aussi qu’au vu de ma précédente grossesse cela ne lui semble pas contre-indiqué.

Je poursuis donc mon accompagnement d’une part avec elle, et en parallèle avec ma sage-femme afin de préparer au mieux l’arrivée de ce bébé.

Nous prévoyons donc, dans la suite logique de ce suivi de grossesse, qu’en cas de complications, je serais transféré à V., où je suis inscrite.

Mais voilà qu’il y a peu, alors que je peux maintenant accoucher à tout moment (je suis à 15j de mon terme) ma sage-femme reçoit un mail des anesthésistes de l’HPDB (qui ont aussi mis en copie le directeur de l’ARS) lui indiquant que V. n’a pas une maternité de type 3 et que (je raccourcis un peu) de ce fait, un transfert en cas de problème ne serait pas envisageable pour moi et mon bébé. 

Alors qu’un besoin de transfert en cas de « problème » lors d’un accouchement à domicile ne relève pas nécessairement et même plutôt rarement d’un établissement de type 3.  

De plus, ma sage-femme à contacté la cadre de santé en milieu de grossesse pour l’informer de mon choix afin que l’équipe soit au courant et qu’elle se tenait à disposition en cas de question.

Ma sage-femme me fait part de ce mail et me demande de téléphoner au CHU de D. afin de voir si je peux m’inscrire en urgence chez eux et ainsi parer à toutes éventualités et me demande si je souhaite toujours effectuer un AAD. Ma réponse est évidemment OUI. 

J’appelle dans la foulée le CHU où la secrétaire tombe un peu des nus et voit avec la cadre de santé ce qu’il est possible de faire.

Le verdict tombe, je n’aurai de toute façon pas de rendez-vous d’ici mon terme donc il n’est pas envisageable que je m’inscrive là-bas. La cadre de santé m’explique que dans tous les cas, en cas de transfert, c’est le médecin régulateur du 15 qui prend la décision d’où transférer.

Je suis actuellement à 1 semaine de mon terme et je n’ai donc pas, en théorie, de maternité d’accueil en cas de complications.

Quand je revois ma gynécologue après ces évènements, je la sens en colère face à cette situation qu’elle ne comprend pas. Comment cet anesthésiste, qui n’a assisté à aucune réunion de service, ni même lu les compte-rendus, peut-il se permettre de remuer ciel et terre pour refuser une patiente ? 

Je comprends que l’accouchement à domicile questionne, soit remis en cause par le monde médical pour les risques supplémentaires potentiels envers ceux qui m’accueilleraient en cas de problème. Mais je ne comprends pas, et je m’ indigne, qu’une femme enceinte jusqu’au bout des orteils, se retrouve dans une situation aussi instable et insécurisante que celle-ci. S’il arrive la moindre complication, je sais que l’un ou l’autre de ces établissements sera dans l’obligation de m’accueillir, mais quelles seront alors les conditions d’accueil ? Est-ce que j’aurais un traitement de défaveur, compte tenu de mon choix légal et personnel, pris entièrement en conscience, de mettre au monde mon bébé dans un lieu non médicalisé, propice à un accouchement physiologique ? Vais-je être traité différemment au sein de l’un ou l’autre de ses établissements, dans un moment de ma vie où je serai dans un état de fébrilité que la naissance donne à chaque femme ? Je suis en droit de me poser ces questions puisque je suis déjà rejetée alors que les risques peuvent arriver à n’importe quelle autre femme qui, par exemple accoucherait trop vite chez elle.

Tout cela ne me fait pas douter de mon choix d’un AAD, au contraire même. Mais cela me met en insécurité et face à une injustice.

J’espère pouvoir raconter une belle histoire d’accouchement à domicile dans les jours qui arrivent et non d’avoir besoin de faire une nouvelle lettre pour annoncer des faits que je redoute en cas de complication.

APRÈS LA NAISSANCE

Nous voilà 1 mois après mon accouchement. Mon enfantement a été incroyable, d’une force majestueuse, et d’une rapidité sans faille. J ‘ai accouché au domicile de ma maman, comme prévu. 2h après mes premières contractions, j’ai donné naissance à mon fils. Il aurait été difficile d’arriver à temps à la maternité. Je suis bien heureuse d’avoir prévu cet accouchement à domicile, d’avoir préparé la venue de ce bébé sans médicalisation ni anesthésie car sans cette préparation j’aurais pu très mal vivre cet accouchement. Là, je savais comment gérer la douleur, je savais que j’en étais capable et que ce moment allait être beau. 

Tout s’est déroulé rapidement, intensément, sous la surveillance et les gestes maitrisés et rassurants de ma sage-femme. 

Le soir même, ma sage-femme prend le temps de prévenir l’HPDB de la naissance de mon fils (elle n’a pas été vraiment bien reçue car la personne de l’autre coté de la ligne devait penser que nous l’appelions pour un problème, avant de se rendre compte que c’était simplement pour qu’ils puissent clôturer leur dossier et surtout ne pas m’attendre).

Le lendemain, mon fils n’ayant pas uriné dans les 24h et selon les recommandations, j’appelle l’HPDB afin d’avoir l’avis d’un pédiatre sur la situation.  Au téléphone, je ne me présente pas, je précise juste les faits : « J’ai accouché à domicile et mon fils n’a pas uriné dans les 24h, que faire ? »

La personne qui me répond me dit d’emblée de voir avec la sage-femme qui me suit. Je lui explique donc que les recommandations sont de demander un avis à un pédiatre dans ce cas de figure. Elle va donc demander,  mais sans couper la ligne. J’entends donc sa demande qui a été formulée à peu près comme suit : « C’est Madame XXX (je rappelle que je ne me suis pas présentée), elle appelel car son fils n’a pas fait pipi depuis la naissance, le docteur XXX ne veut pas en entendre parler. »

J’entends la pédiatre lui dire que ce n’est pas une urgence et que nous pouvons attendre encore un peu avant de s’inquiéter. Ce qu’elle me retransmet. 

Je précise donc que si demain à 6h il n’y a toujours pas d’urine, je viendrai. Ce à quoi elle me répond de voir avec la pédiatre qui suit mon fils. 

Je me retrouve à nouveau dans une position de fébrilité, me sentant extrêmement jugée. Je suis reléguée à madame XXX, la femme dont le docteur XXX ne veut pas entendre parler. Comment entendre ça le lendemain de son accouchement ? Je peux vous assurer que c’est très difficile. 

Finalement le pipi tant attendu est arrivé, à notre grand soulagement à tous. Comment aurait été pris en charge mon fils s’il y avait eu une complication ? Je suis heureuse de ne pas avoir à répondre à cette question. 

A J+4, j’ai été faire la visite de contrôle de mon bébé auprès de ma pédiatre. Ça a été un moment très réconfortant pour moi. Ce bébé est en très bonne santé, a un excellent tonus et surtout, il a été plus suivi à domicile que s’il avait été en maternité, ma sage-femme ayant pris sa saturation (avec tout le reste des examens nécessaires) pendant ses trois premiers jours de vie. Évidemment que ces gestes sont précis, sans faille… vu le contexte dans lequel elle exerce, elle ne peut se permettre aucune erreur. 

Je suis heureuse et fière d’avoir pu accoucher à domicile, mais je suis indignée et dégoûtée de la pression, de l’injustice et de la façon dont j’ai été traitée par certaines personnes du fait de ce choix.

Je suis réveillée depuis un moment mais j’ai la flemme de me lever. Je caresse mon ventre et me dis, bon aucun signe d’accouchement, ce n’est pas pour aujourd’hui …

Comme à ton habitude, tu réponds à mes caresses, j’adore ce contact, je te parle dans ma tête, je te dis que je suis prête à t’accueillir si tu as envie de venir.

Je me mets à somnoler et me vient une image de toi, tu as 5 ans, tu es magnifique, je suis accroupie en face de toi, tu viens vers moi et tu me fais un câlin en disant « maman ».

Cette image me fait fondre le cœur ! Immédiatement une vague d’amour m’envahit. Je me sens extrêmement bien, sereine et comblée d’amour et de tendresse.

Je me dis en plaisantant que c’est toi qui m’envoie cette image afin de me déclencher un shoot d’ocytocine et ainsi mettre en route ta naissance… Je ne me doutais pas à ce moment que oui, c’était bien ce qui se passait.

11h30

Je vais aux toilettes et je vois sur le papier de l’élixir marronâtre. Qu’est-ce que c’est? Tout de suite je pense au bouchon muqueux. Mais je ne suis pas sûre, j’en parle à ton père, je suis toute excitée, j’y crois mais je doute aussi est-ce ça? Est-ce que ça veut dire que c’est pour aujourd’hui?

Il blêmit, je le rassure, on ne sait pas ce que c’est, je préviens ma sage-femme. Elle nous dira.

Je dis à quel point je suis heureuse si l’accouchement s’enclenche maintenant. Je le vois réfléchir, il fait la liste des choses à préparer pour être à 100% prêts.

11h45

Mon ventre durcit, les contractions s’intensifient (car j’ai depuis presque 2 mois des contractions légères) mais ça reste doux.

Au fond de moi, je suis persuadée que c’est le jour J

Ma mère m’envoie un sms. Elle veut qu’on s’appelle en fin d’après-midi. Mince, elle a un radar ou quoi? Je n’avais pas prévu de l’avoir au téléphone en plein travail. Je comptais lui faire la « surprise » de ta naissance. Pas qu’elle sache avant, elle va s’inquiéter, je le sais. Et je ne veux pas m’inquiéter du fait qu’elle s’inquiète. Bon tant pis, je lâche prise sur ce détail, je déciderais au tél si je lui annonce la naissance imminente ou pas.

13 h

J’ai à nouveau perdu du bouchon muqueux.

Les contractions s’intensifient mais de façon très progressive et douce.

Tout d’un coup je vois mes 2 plantes vertes. Je les trouve vraiment trop à l’étroit dans leurs petits pots. Il faut absolument que je les rempote. Genre maintenant.

Alors que je suis en train de m’occuper de mes plantes, ma sage-femme m’appelle. Elle me dit que oui, ça ressemble bien au bouchon muqueux. Il faut que je surveille si je ne perds pas de sang et si je perds les eaux, si l’eau est teintée ou pas. Je la tiens au courant du déroulement de la journée. Et que oui, effectivement, le travail est enclenché. Elle a une autre patiente qui va sûrement accoucher avant moi mais qu’il ne faut pas que je m’inquiète, tout va bien se passer. (bon, finalement, c’est moi qui ai accouché en premier)

13h30

Les contractions commencent à devenir désagréables. Je m’allonge dans l’herbe dans le jardin (il fait un temps superbe). Je souffle à chaque contraction, elles ne sont pas douloureuses.

Mon chéri s’affaire dans la maison, il fait le ménage, il prépare le bois pour la cheminée. Je l’adore.

Tout d’un coup, j’ai l’impression de me pisser dessus. Je perds les eaux?? Je ne sais pas, ça n’a mouillé que ma culotte, je n’ai donc pas perdu beaucoup de liquide.

17h30

Les contractions continuent de s’intensifier mais je les gère tellement bien (haha si je savais…) que je me demande si je ne suis pas en faux travail. Enfin, je cherche un moyen d’être sûre même si au fond de moi je SAIS.

Je décide donc d’aller prendre un bain pour voir si ça calme les contractions.

Je me prends en photo, je me dis que ce sont les dernières photos de mon gros ventre.

Dans le bain, les contractions ne passent pas. J’en suis super heureuse !

18h

Téléphone : ma mère m’appelle. Quand elle me demande « Quoi de neuf? », je ne peux pas m’empêcher de lui dire la vérité. Maman, ta petite fille va sûrement naître cette nuit.

Je lui dis de ne pas s’inquiéter, que j’ai hâte de rencontrer ma fille.

19h

J’envoie un sms à ma sage-femme, je lui explique que les contractions douloureuses ont bien commencé depuis 15h30 mais que je les gère plutôt bien. J’ai téléchargé une application sur mon téléphone qui m’indique qu’elles durent environ 40 secondes et sont espacées de 5 minutes. Je lui demande si c’est pour ce soir ?

Elle me dit, on dirait bien que oui, fait moi un topo vers 22h/23h.

19h45

On est prêts.

Les phrases d’hypno-naissance sont accrochées au mur (depuis plusieurs semaines déjà), on a mis en route la playlist que j’avais préparé pour l’occasion (mais tout d’un coup j’ai très envie d’écouter la musique du Grand Bleu alors que je n’y avais pas pensé avant), une écharpe est accrochée à la porte afin que je puisse me suspendre, la piscine est prête (il ne reste plus qu’à la remplir), un matelas enveloppé de plastique et recouvert de vieux draps sera posé devant la cheminée après. Il y a un beau feu dans la cheminée et suffisamment de bois pour tenir toute la nuit. C’est parfait.

Les contractions me secouent de plus en plus, je suis fatiguée et je me sens bien uniquement allongée sur le côté.

J’ai très faim, mon chéri me prépare des croques monsieur et un œuf au plat.

Ma mère m’envoie des messages d’amour. Elle est très émue. Je la préviens que c’est la dernière fois que je lui réponds car ça me demande trop d’effort maintenant. Le prochain message sera quand la petite sera née.

Je mange les croques monsieur avec appétit. Mais les contractions deviennent violentes, je vomis tout aussitôt. Zut, j’avais tellement faim !

Ensuite, à chaque contraction, je revomis. Au moins 5 fois de suite, j’en peux plus, c’est douloureux.

Mon chéri installe le matelas devant la cheminée, je m’affale dessus et reste allongée sur le côté. C’est la seule position qui me convient. Je pense, pfff, moi qui voulais être libre de mes mouvements pour prendre pleins de positions, en fait je reste avachie là, sans pouvoir bouger. Je lève péniblement la tête chaque fois que je vomis et sinon je fais quelques aller et retour aux toilettes. Le trajet pour y arriver me paraît long !

21h30

A partir de ce moment, les contractions sont trop intenses pour que je me concentre sur quoi que ce soit d’autre. Je ferme les yeux. J’ai du mal à m’exprimer. Je vais beaucoup discuter dans ma tête maintenant sans pouvoir dire les choses à haute voix. Trop dur.

Je perds complètement la notion du temps.

Ma sage-femme met normalement 1h15 pour venir jusqu’à chez nous, mais j’ai l’impression qu’elle est arrivée genre 15 min après l’appel !

Elle porte un masque (covid oblige), elle vient me dire bonjour en chuchotant. Je crois que j’arrive à lui dire que je suis super contente qu’elle soit là. Je lui dis (dans ma tête, eh oui maintenant je parle dans ma tête en espérant que les gens comprennent ??) ouah tu as fait vite, tu faisais un accouchement à côté ?

Là, je ne sais plus trop ce qui se passe, je les « sens » s’affairer et moi je suis là, sur ce matelas à me tortiller. J’essaie de respirer mais je n’ai aucun souffle !

Ensuite arrive ma doula. Elle vient se présenter à moi. On ne se connaît pas. Ma sage-femme m’avait demandé quelques jours plus tôt si je voulais bien qu’elle vienne accompagnée d’une doula.

La douleur me submerge maintenant, ce sont des vagues d’une intensité incroyable. Je me dis merde, personne ne m’a prévenu ! Bon en fait si, tout le monde te dit que ça fait mal, mais tu ne mesures pas à quel point tant que tu ne le vis pas.

J’avais lu tellement de livres sur la gestion de la douleur que je pensais pouvoir la maîtriser, voire ne pas ressentir de douleur du tout (haha ! Mais bien sûr…) J’espérais même faire partie de ces rares femmes qui apparemment ont vécu un accouchement orgasmique. Et oui, ça me paraissait logique après tout, on conçoit les enfants dans un acte sexuel d’amour. La naissance est un autre acte sexuel aussi. Pourquoi pas agréable ? Pourquoi si violent ?

Bref, en tout cas, là, maintenant, ce n’est pas ce qui me préoccupe. Mon corps me rappelle à chaque contraction qu’il se passe quelque chose d’important. Une chose qui me demande de m’abandonner à lui, de lui faire confiance et d’avoir foi en ce qui se trame sans que je n’aie aucun contrôle. Mais cette  « puissance » est tellement intense, elle me soulève et semble déchirer mon corps de l’intérieur. Elle me coupe le souffle et ma capacité à réfléchir, je ne suis plus qu’un corps qui subit.

Ma sage-femme vient vers moi et me prends la main, elle me pince le doigt (enfin je crois) et me dis de me concentrer sur ça. Ça marche vraiment bien, j’ai l’impression de diminuer la douleur.

Un peu plus tard j’entends « Tu veux aller dans la piscine? »

– « Oui !!! »

Depuis tout ce temps, je suis toujours allongée sur ce matelas devant la cheminée, je n’ose pas me regarder avec du recul, je me pisse dessus parfois (en fait je perds les eaux), je pète… oh la honte !

Après un temps qui me paraît extrêmement long, j’entends que je peux aller dans la piscine. Je ne sais plus comment je réussis à y aller, mais je me souviens ouah ! Qu’est-ce que ça fait du bien !

L’eau chaude, avec l’effet d’apesanteur, c’est juste magique !

Le soulagement n’est que de courte durée, à la contraction suivante, ça y est, c’est la tempête, une tornade qui m’emporte et me soulève.

A partir de ce moment, je vais être plus bavarde, je vais ressentir le besoin d’exprimer ce que je ressens, comme pour exorciser un peu le truc. Oui, je me sens un peu possédée. J’ai envie que tout s’arrête mais je ne peux pas.

Plusieurs fois cette idée me vient en tête : bon stop, on arrête là, c’est trop dur. Mais non, je ne peux pas, je suis obligée d’aller jusqu’au bout !!! Je n’ai pas le choix.

Je dis des trucs du genre : « j’y arrive pas ! » Ma doula me répond à ce moment là :

—« mais si tu y arrives très bien, tu es en train de le faire. » Merci pour cette phrase.

Je pense à toutes les femmes qui ont accouché et je me dis mais comment elles ont survécu à ça?

Je dis à mon conjoint que je veux tout annuler.

Je dis que je veux démissionner (ouais je fais de l’humour aussi…)

Je lui assure que c’est la dernière fois qu’on fait un enfant, qu’il n’y en aura pas d’autres !

J’ouvre les yeux et je vois ces personnes qui s’occupent de moi, qui me tiennent la main, m’apportent de l’eau … tant de petits gestes tellement importants !

Je vois ma sage-femme sur la grande table en train de remplir des papiers. Je pense immédiatement aux propos de Michel Odent : un accouchement c’est une femme seule qui gémit et une sage-femme discrète qui tricote dans un coin. Ça me fait rire. Je pense, la pauvre, elle ne peut pas tricoter, elle a trop de paperasses à préparer…

Je ressens le besoin de me mettre à quatre pattes mais j’ai du mal. Le sol de la piscine est trop dur, je me dis qu’on aurait dû prévoir une couverture à mettre en dessous. En plus, j’ai hyper mal à la fesse droite, ça m’empêche de me positionner comme je veux.

J’arrive tant bien que mal à me redresser, je sens que ça pousse, je crie « J’ai envie de chier !! »

Je vais le crier plusieurs fois, car c’est ce que je ressens. Ma sage-femme me dit, ton envie d’aller à la selle, c’est ta fille qui descend. Je rigole au fond de moi en pensant qu’il faudrait que je crie «  j’ai envie d’aller à la selle !!! »

Oh oui je sais que ma fille descend, je le ressens. Ça me met en joie mais en même temps ça me fait si mal !! J’ai envie que les choses aillent plus vite, c’est trop long !

Le temps me paraît long, c’est si douloureux !

Je gémis … J’ai envie que ma sage-femme me prenne dans ses bras, qu’elle me dise que ça va aller, qu’elle me materne mais je n’ai pas la force de lui demander. Ni le temps, les contractions sont tellement rapprochées que j’ai l’impression qu’elles ne me laissent aucun répit. Elle contrôle ton cœur de plus en plus souvent. A chaque fois je demande si tout va bien ? A chaque fois elle me répond oui tout va bien.

Je me remets sur les genoux, ça pousse vraiment trop fort, je crie « putain de merde », je pose mes mains sur mon périnée afin de le soutenir. Il est hyper tendu, ça ne passera jamais !

Les filles me disent de faire des Ooooooo. Putain je n’y arrive pas ! Au lieu de ça je me mets à hurler et je me fais peur à moi-même, on dirait un film d’horreur !

Je sens ce que beaucoup de femme appellent « le cercle de feu ». Je me dis que c’est un bien joli nom pour une sensation bien atroce.

Ma sage-femme me dit que si je mets mes doigts, je sentirais ma fille qui est là. Hors de question, j’ai trop mal, je ne peux pas y glisser mes doigts !

Au lieu de ça je continue à soutenir mon périnée, je suis persuadée que ça ne passera jamais !

Les contractions s’enchaînent et ça y est, je sens le haut de ton crâne au bout de mes doigts. C’est bizarre, il n’est pas lisse, il est tout boursouflé.

Cela me donne du courage et alors que je ressens encore ce cercle de feu, je m’installe semi assise prête à pousser à la prochaine contraction.

Je demande à ton père de me tenir car sinon je coule. Ma doula me tend une écharpe à laquelle je peux m’agripper et tirer en même temps que je pousse. La contraction arrive, je pousse de toutes mes forces mais j’ai l’impression que ça n’avance pas. J’ai le souffle court, la sage-femme me dit « donne de l’air à ton bébé » Je me reprends, je m’efforce de respirer calmement. Contraction suivante, même topo, elle me demande à nouveau de donner de l’air à mon bébé. Je la trouve un peu stressée, je me demande si tout va bien ? Mais je n’en sais rien. Arrive encore une autre contraction et puis je ne sais pas combien en tout,

peut-être que c’était à la troisième, tout d’un coup, ça fait « PLOC » et là je sais que c’est ta tête qui est sortie. Quel soulagement !

La fin est toute proche, j’ai hâte de t’avoir dans mes bras !

Je ne suis pas sûre mais je crois qu’il a fallu une seule contraction ensuite, pour que ton corps glisse hors de moi. C’est arrivé très vite, j’étais encore en train de me remettre de cette contraction que j’entends : ta fille est là »

Quoi? Je n’y crois pas, j’ouvre les yeux et je ne vois rien, il fait très sombre (il n’y a que la lueur de la cheminée) je regarde l’eau et je ne vois rien non plus, elle est toute trouble.

Je dis :

– « Elle est où ? Elle est où? »

Je plonge les mains au hasard, je sens quelque chose de gluant, c’est toi. Je t’attrape maladroitement et te ramène vers moi. Tes jambes sont encore en moi, je les sens sortir.

Tu es là, contre moi, tu es splendide. Je n’en reviens pas d’avoir réussi. Je cherche mon chéri du regard mais il est juste derrière moi alors je n’arrive pas à tourner la tête autant. Je lui dis :

– « Regarde ce qu’on a fait mon amour, regarde ce qu’on a fait ! »

Il ne répond pas.

Tu es là, dans mes bras, si petite mais en même temps si énorme. Je me demande comment tu pouvais tenir dans mon ventre.

Tu ouvres tes yeux, nos regards se croisent, tes yeux sont noirs. Ton regard est perturbant, on dirait celui d’un adulte. C’est le genre de regard qui force l’humilité.

L’espace d’un instant, nous faisons co-naissance. Car oui, ce jour-là il y a bien eu ta naissance mais aussi celle de notre famille.

Ma toute belle, on est déjà complètement amoureux de toi.

Ma sage-femme et ma doula quittent le salon un instant, on se retrouve tous les 3 avec ton papa. Je ressens tellement d’amour pour vous deux, je me sens extrêmement bien.

Tout à coup les contractions reprennent. Je pense, oh non ! Je suis fatiguée, je n’ai plus envie de souffrir. Heureusement, ces contractions sont beaucoup plus douces. Ma sage-femme revient, elle touche le cordon et dit qu’il bat encore, que l’on ne va pas le couper tant qu’il bat.

J’ai lu plein d’articles sur les bienfaits de laisser le placenta accrocher au bébé le plus longtemps possible. Le placenta est encore en moi et ce dernier sort très facilement à la contraction suivante.  

Ma sage-femme me montre ton placenta, et m’explique qu’il est bien entier. Ensuite elle s’occupe de moi pendant que ma doula me montre comment te donner la tétée. Tu n’as pas l’air pressée de manger.

On s’installe dans un fauteuil, tu prends ta première tétée et on se prend en photo. Ensuite je me sens crevée, j’ai très envie de dormir. Je me rallonge donc sur le matelas au sol pendant que ma sage-femme t’examine. Tu pèses 3kg650, mesure 52 cm, ton périmètre crânien est de 37 cm.

Elle te met debout pour te faire marcher, tu feras 6 pas.

Je me rends compte que je n’ai même pas vu ton sexe ! Es-tu bien une fille?

–« Oui ! », me répondent-ils tous les trois.

Ensuite tu reviens dans mes bras.

Je ne te quitte plus, mon bébé, ma fille, je t’aime.

 

Merci mon amour , mon chéri, de m’avoir soutenue sans faille, depuis le début de ma grossesse. Tu as cru avec moi que ce projet d’AAD était ce qui était le mieux pour nous trois. Tu m’as aidée à faire face à mes plus grandes peurs et tu m’as portée de ton amour, merci. Je t’aime, je t’aime, je t’aime.

Merci ma sage-femme, merci de permettre aux familles comme la nôtre, qui recherchent autre chose que le chemin tracé vers l’hôpital, de réaliser leur rêve. Qui recherchent l’amour, le respect des corps et du temps d’une naissance. Merci d’exercer ce métier (malgré la chasse aux sorcières que tu subis) pour nous permettre de réaliser cet enfantement magique. Merci de croire en ce projet avec nous, merci de nous avoir regonflé le moral chaque fois qu’il a baissé, merci de nous avoir aidés à surmonter nos peurs et éliminer les peurs des autres.

Nous savons que ce que nous avons vécu est juste extraordinaire et nous savons que c’est aussi grâce à toi. Tu es précieuse pour ce monde.

 

La semaine suivant ta naissance, je suis tombée sur ce poème et je trouve qu’il illustre parfaitement ce que j’ai ressenti ce soir-là :

« On dit qu’avant d’entrer dans la mer,

une rivière tremble de peur.

Elle regarde en arrière le chemin qu’elle a parcouru,

depuis les sommets, les montagnes,

la longue route sinueuse qui traverse des forêts et des villages,

et voit devant elle un océan si vaste qu’y pénétrer ne paraît rien d’autre

que de devoir disparaître à jamais.

Mais il n’y a pas d’autre moyen.

La rivière ne peut pas revenir en arrière.

Personne ne peut revenir en arrière.

Revenir en arrière est impossible dans l’existence.

La rivière a besoin de prendre le risque et d’entrer dans l’océan.

Ce n’est qu’en entrant dans l’océan que la peur disparaîtra,

parce que c’est alors seulement

que la rivière saura qu’il ne s’agit pas de disparaître dans l’océan,

mais de devenir océan »

Khalil Gibran